Dans l’introduction à mon prochain livre disponible ici, je commence en posant une distinction entre deux façons d’aborder la crise écologique. C’est la distinction entre les Sobvols et les Technoptis. Les uns et les autres forment des familles. Au sein de chaque famille il y a des points communs forts, mais aussi des divergences.
Les Sobvols sont ceux qui estiment que la résolution du problème, ou à tout le moins, l’attitude qu’il convient d’adopter dans le contexte de la crise écologique consiste à réduire volontaire notre mode de vie et à dépasser l’éthique consumériste caractéristique des sociétés d’abondance. Parmi les Sobvols, il y a ceux qui pensent que cette révolution des consciences aura lieu ou est en train d’avoir lieu. D’autres considèrent que cette révolution nécessitera un effondrement brutal de la civilisation, une expérience pour ainsi dire fondatrice d’un nouveau départ.
À l’inverse les Technoptis considèrent qu’une révolution dans l’ordre de l’éthique ou des mentalités n’est pas nécessaire, voire pas souhaitable. Il convient avant toute chose de s’appuyer sur les progrès scientifiques et techniques inouïs que connait notre époque (NBIC) et de les transformer en innovations grâce au système capitaliste et à son esprit d’entreprise, pour résoudre les problème écologiques. Certains Technoptis, comme Laurent Alexandre, connu pour sa modération et son sens de la nuance, considèrent même que les problèmes écologiques sont marginaux.
Nous sommes me semble-t-il plus fréquemment confrontés à l’argumentaire des Sobvols qu’à celui des Technoptis. Les Technoptis proposent au fond de poursuivre le projet des Lumières. Projet qui a fait ses preuves au XXème siècle. C’est peut-être la raison pour laquelle ils se sentent moins enclins à argumenter leur point de vue. Et pourtant, depuis quelques décennies, la méfiance et le soupçon à l’égard des sciences et des techniques progresse dans la conscience collective (cf, Bronner Gérald. La démocratie des crédules, p.8). Tandis que les Sobvols proposent et argumentent une rupture radicale, un nouveau modèle qui ne peut pas se défendre en référence à des paradigmes, c’est-à-dire à des exemples de réussites qui viendrait au secours de leur perspectives. Aussi, la charge de la preuve semblent leur incomber en pratique, ce qui conduit souvent les Technoptis à proclamer leur foi, sans plus. Ce qui n’est pas tout à fait satisfaisant, dans un contexte où les années passent sans que l’on puisse affirmer que nous sommes mobilisés collectivement pour résoudre les problèmes ni que nous sommes parvenus à des résultats importants.
Par chance, Andrew Mc Afee, un économiste du MIT a publié récemment un livre, More from Less, dans lequel il s’efforce de défendre la perspective Technoptis de façon très intéressante. J’aurais l’occasion d’exposer plus en détails les arguments de ce dernier dans le chapitre du livre consacrée aux Technoptis. En attendant, il est possible de découvrir son travail de façon synthétique ici.
Eric Lemaire